Durant les années 2000, DC décide de dépoussiérer un peu les origines de Superman post-Crisis telles qu'établies dans les épisodes de
Man of Steel de Byrne. C'est à Mark Waid, épaulé par le dessinateur Francis Lenil Yu, que revient cette tâche ardue. Le récit ne s'attarde pas sur l'enfance de Clark à Smallville et se déroule, hormis le temps de l'un ou l'autre flashbacks, lorsque Clark a 25 ans. Waid décide de faire de Superman un citoyen du monde et commence son récit par un Clark Kent dont le tour du monde afin d'apprendre les ficelles du métier de reporter l'a fait atterrir quelque part en Afrique où il couvre les revendications d'une tribu face à une autre qui les asservi depuis des décennies. Au cours des émeutes qui ont alors lieu Clark prend conscience de l'aide que ses pouvoirs pourraient apporter au monde et de l'importance de cacher son identité. S'en suivra un retour au bercail très vite suivi par son arrivée à Metropolis où il rencontrera ses collègues de boulot classiques et sa grande Némésis, Lex Luthor.
L'un des principaux changements dans la continuité apporté par cette mini-série est la présence de Luthor à Smallville durant son adolescence et son amitié avec Clark (je me demande d'ailleurs si ça n'a pas déjà été le cas dans une des origines pré-Crisis de Superman, et si c'est pas repris dans le Secret Origins de Geoff Johns). Si cela peut faire penser à la série TV Smallville qui avait un beau succès à l'époque, la comparaison s'arrête là puisqu'ici Luthor est un camarade de classe de Clark surdoué et misanthrope, l'étrange amitié les liant ne tenant finalement qu'à la tenacité de Clark qui voit en Lex quelqu'un souffrant d'une sollitude similaire à la sienne. Ayant quitté Smallville après un incident lui coutant sa maison, son père et ses cheveux, Lex Luthor devient un astrobiologique reconnu et millionnaire à la tête de la puissante Lexcorp, et Clark découvrira avec amertume que celui-ci a fait disparaître toute trace de son passage à Smallville, recommandant aux gens qui l'ont connu de l'oublier et faisant lui-même mime de ne pas connaître Clark. Cette idée est pas trop mal trouvé car elle place Luthor dans un refus de reconnaître son passé qui finalement sert Clark à protéger son identité secrète face à lui (oui bon, c'est vrai que si on y réfléchit bien, il devrait quand même finir par le reconnaître au bout d'un moment, mais c'est une explication qui vaut mieux que d'autres, et ça rejoint l'idée que si les gens ne font pas le rapprochement entre Clark et Superman cela vient de l'image opposé qu'ils dégagent d'eux-même l'un et l'autre).
La grande réussite de cette maxi-série repose plus sur sa caractérisation des personnages et son traitement de Superman que de l'intrigue en elle-même, dont le dernier tiers m'a paru bien trop gros :
- Spoiler:
Luthor simulant une attaque de Kryptoniens sur Métropolis à l'aide de mercenaires déguisés et d'hologrammes, j'ai pas trouvé ça terrible ni crédible (même pour le monde de Superman ! Quoique quand on y pense ça ressemble un peu aux histoires folles qu'a pu vivre l'Homme d'Acier dans les années 50 et 60).
La série s'achève sur une très belle image assez chargée en émotion
- Spoiler:
Clark arrivant à communiquer avec ses parents biologiques très brièvement pour leur dire qu'il a réussi à devenir un héros. Si le procédé utiliser pour parler à la Krypton du passé est assez loufoque, encore une fois proche de ce qui se faisait dans les 50/60's, la scène n'en reste pas moins très belle.
J'ai bien aimé cette vision d'un jeune Clark parti sur les routes du monde pour apprendre le métier de journaliste, cela va pas mal dans le sens du fameux épisode 900 d'Action Comics qui a fait tant parler de lui parce que Superman y rend son visa américain, se sentant citoyen du monde entier. Clark apparaît tout d'abord comme un journaliste de terrain plein de conviction, assez proche finalement de la version actuelle donnée par Morrison dans ses épisodes d'Action Comics. Ce caractère fougueux tranche totalement avec le Clark civil timide et maladroit habituel que l'on retrouve dès qu'il prend la décision de devenir Superman et de s'installer à Metropolis, et je trouve que cette mascarade y gagne à montrer ce que serait Clark s'il ne se bridait pas pour protéger son identité secrète (là où les précédentes adaptations le montraient timide et réservé depuis toujours). Concernant ses pouvoirs on découvre une caractéristique qui a fait beaucoup jaser à l'époque mais qui moi me plait pas mal : celui de voir un genre de champs électron-magnétique, une représentation de l'âme en quelque sorte, émaner des êtres vivants et qui laisserait un vide insupportable à regarder lorsqu'ils meurent, une très bonne explication de la répugnance de Superman à tuer plus intéressante que son simple code moral (et qui du coup l'aide à se forger ce code moral et à y s'y tenir).
Si a la plupart des autres personnages sont égaux à eux-même, les parents Kent subissent aux aussi quelques changements. Martha Kent est au fait des nouvelles technologies et suit les exploits de son fils grâce à l'informatique, très fière de ce qu'il est devenu. Jonathan est lui montrer sous un jour plus taciturne, ce qui est utilisé dans de très bonnes scènes de dialogues avec Clark sur les craintes et les doutes des deux.
Pas grand chose à commenter sur les dessins, Yu est plutôt en forme et bien melleur que sur certaines de ses productions récentes.
Au final je garde plutôt un bon souvenir de cette maxi-série, l'histoire perd sans doute du souffle dans son dernier tiers mais le but initial de la série, donner des origines "modernes" aux héros, à la fois fidèle à ce que l'on retrouve habituellement dans les débuts du héros tout en y insufflant des éléments inédits apportant des pierres à l'édifice, est atteint.